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mur de l’enclos, un grand Christ saignait, cloué sur le gibet, ouvrant ses bras sur le ciel vide.

Parmi les terres amoncelées, de chaque côté de la fosse entr’ouverte, on voyait pêle-mêle des débris de cercueils anciens et de grands ossements blanchâtres.

On posa le cercueil sur une planche, et quand le père Jean, le fossoyeur, l’eut soulevée, la boîte blanche glissa et se tassa au fond de la terre, avec un bruit mat.

Les deux vieux s’écroulèrent sur le bord de la terre avec un sanglot si désespéré, un tel abandon de tout leur corps, qu’on put croire qu’ils allaient tomber dans la fosse.

Il fallut les emmener.

Ayant aspergé les planches d’eau bénite, puis ayant murmuré une dernière oraison, le vieux prêtre s’en alla, suivi du chantre, de la croix d’argent portée par l’enfant de chœur. La lourde chape noire balayait de ses plis cassants les herbes folles, et il marchait à pas lents, solennels, lourds de rêverie, comme s’il eût emporté avec lui les consolations éternelles.

Les assistants s’approchèrent de la fosse et, se passant de main en main le goupillon, qui trempait dans l’urne de cuivre, ils faisaient le signe de la croix sur la fosse béante.

Alors il se passa une chose émouvante. Immobile et les yeux pleins de stupeur, la vieille Dorothée apparut. Ses maigres épaules, son échine misérable saillaient sous son châle, son pauvre châle de veuve coupé aux plis, rongé par les mites, usé par tant de deuils anciens. Elle se tenait au bord de la fosse, et sa tête branlante avait le même hochement triste, le même geste de dénégation habituel, comme pour dire