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— Mariez-nous ?

— Avec Pierre Noel.

Marthe répondit :

— Il est trop coureur.

Mais le son de sa voix était changé. À l’émotion qui la faisait trembler, toute l’assistance eut la sensation qu’on avait touché juste.

Pierre s’était levé brusquement ; se dirigeant vers la porte, il l’ouvrit toute grande.

Toutes les filles qui daillaient avec Marthe ce soir-là prirent la fuite, comme un vol d’oiseaux effarouchés par un bruit. Les coiffes de leurs bonnets mettaient au fond de la nuit une vague palpitation de blancheur. Seule Marthe restait appuyée contre les ais de la fenêtre, le cœur battant, et les jambes si cassées par l’émotion qu’il lui était impossible de faire un pas.

Pierre la prit dans ses bras et baisa longuement ses cheveux fins.

Elle résistait, se débattait, faisait tous ses efforts pour échapper à cette étreinte qui, d’instant en instant, devenait plus robuste. Mais toute sa résistance tomba soudainement ; elle devint une petite chose inerte, qui s’abandonnait délicieusement à cette caresse, se faisait molle et confiante.

Ils causèrent de choses et d’autres, puis ils se séparèrent, Marthe ayant fait remarquer que l’heure s’avançait.

Elle rentra dans sa maison à pas lents, lourds de rêverie. Il se faisait en elle un tumulte de sentiments contraires. Certes, il fallait que cet amour fût bien fort pour qu’il se trahît malgré elle, pour qu’on en parlât. Maintenant c’était un bruit qui courait le village…