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filles de l’âge de Marthe tenant le brancard. Le corps n’était pas lourd, mais le trajet s’allongeait, et elles s’arrêtaient parfois pour reprendre haleine. Alors tout le cortège faisait halte, immobile avec ses voiles noirs, les lueurs des cierges, les paysans aux visages rudes et impassibles, debout au milieu de la rue ensoleillée, où des coqs battaient des ailes, où des poules picoraient sur les fumiers, cherchant leur vie. Et sur ce tableau ruisselait, planait, tournoyait la lumière vermeille d’une journée de septembre, ces premiers jours d’automne où le ciel humide et pur s’ouvre plus profondément, où le soleil met un alanguissement sur les choses. On monta les marches branlantes de l’escalier : on s’arrêta encore une fois sous l’ombre du grand marronnier séculaire, qui protège les jeux des enfants, tandis que ses racines plongent dans la terre grasse, où pourrissent les morts. Des feuilles mortes, recroquevillées, brûlées par les derniers coups de soleil, glissaient sur le sol, pareilles à des oiseaux blessés.

Elle était plus triste encore, cette pauvre église de village, nue et froide comme une grange, avec ses vitres claires, et ses murs suintant des traînées d’humidités verdâtres, et pour ces funérailles, elle semblait emplie d’un frisson indéfinissable de misère et de tristesse.

On plaça le cercueil tout au bout de l’allée, à l’entrée du chœur, et la cérémonie commença.

Le vieux prêtre officiait avec lenteur, et chaque fois qu’il passait devant le tabernacle, où repose le corps du Dieu voilé, il s’agenouillait et restait longtemps prosterné, abîmé dans un acte d’adoration éperdu, suppliant le Très-Haut pour cette morte qu’il avait baptisée, qu’il avait instruite, implorant le pardon de la