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Il se levait pour partir, quand il vit le vieux Dominique qui gravissait lentement la montée.

Allant à sa rencontre, droit, ferme, raidissant sa stature de vieux soldat, le garde se campa devant lui.

— Dominique, fit-il, j’espère bien que ce qui s’est passé ne t’empêchera pas de venir à l’enterrement de ma fille. Elle t’aimait déjà comme son père.

Puis, égaré, il ajouta :

— Je souffre… je souffre…

Et il pleura.

Le vieux pêcheur ne répondait pas, ayant dans toute son attitude un affaissement de honte, lamentable et écroulé, qui s’ajoutait à sa décrépitude.

Il finit par dire, tirant les mots un à un, avec gêne :

— Vois-tu, je n’y suis pour rien… Si le gueux a mal tourné, c’est pas faute d’avertissement… J’aimerais mieux le voir mort, que de le savoir où il est…

Le garde répondit :

— Il ne faut pas souhaiter la mort des siens ; il faut avoir passé par là, pour savoir comme c’est triste.

Et ce fut tout. Ils se séparèrent, l’un montant la côte et l’autre la redescendant. C’était un spectacle tragique que celui de ces deux douleurs, muettes, effondrées, qui cheminaient lentement, à petits pas de vieillard, sans jamais se retourner, comme s’il y avait entre elles un abîme, ce vide infranchissable que creuse une fosse entr’ouverte.

On attendait la levée du corps devant la maison de Marthe. Des femmes, rangées en demi-cercle à la porte,