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histoires d’amour, dont personne n’a gardé le souvenir !

Ce soir-là, une vieille qui filait dans un coin dit tout bas, mais de façon à être entendue de toute l’assistance, ayant jeté un regard malin par-dessus ses lunettes :

— C’est Marthe Thiriet qui daille.

Pierre leva la tête, mais voyant les yeux fixés sur lui, il s’efforça de prendre un air détaché, entamant une conversation sérieuse avec son voisin, tout en ne perdant pas un mot :

Le dialogue reprit :

— Mariez-nous.

— Avec Coliche !

Un rire éclata derrière la vitre, Coliche étant le berger de l’endroit, un garçon à demi idiot, hirsute et dépenaillé, traînant toujours sur ses talons deux grands chiens efflanqués, tout pareils à deux loups. Le beau parti pour une fille !

Puis on se piqua au jeu, et on proposa à la jeune fille des individus invraisemblables, des carrieurs de sable, ou des dragueurs de la Moselle.

Elle disait non, d’une voix amusée.

Les vieilles riaient dans le veilloir, arrêtant le mouvement de leurs pauvres mains tremblantes, qui tricotaient des bas ou filaient de l’étoupe. Et les tout petits, qui n’ont pas encore le sens des choses d’amour, riaient eux aussi, pour faire comme les autres, amusés par les reparties et le son bizarre de la voix mystérieuse, qui montait dans la nuit.

Il se fit un silence ; on se regardait ; la vieille qui avait reconnu Marthe la première secouait la tête d’un air entendu, s’apprêtant à dire une chose d’importance :