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Dans la chambre mortuaire, sur le grand lit blanc qui devait être le lit nuptial, une forme se détachait maintenant, rigide, imprécise, lointaine, comme si le corps, voilé des plis du drap, était déjà parti pour un séjour mystérieux.

Maintenant la chambre s’emplissait de visites. Les femmes du village, suivant l’usage lorrain, qui ne veut pas qu’un mort reste seul, venaient à pas lents, et, leurs sabots déposés au bas de l’escalier, on entendait sur les marches le glissement des semelles feutrées de leurs bamboches. Ayant fait pour la circonstance une toilette de deuil, elles avaient revêtu des fichus de laine noire et les coiffes finement tuyautées de leurs bonnets blancs jetaient une palpitation vivante dans ce silence de la mort. Toutes prenaient la branche de buis, et faisant le signe de la croix, elles jetaient quelques gouttes d’eau lustrale sur la blancheur du drap, où s’allongeait une forme confuse. Et, joignant les mains, elles s’agenouillaient, muettes, immobiles, recueillies. Puis, se levant, elles allaient s’asseoir au bout d’une rangée de chaises préparées à l’avance. Toutes parlaient bas, comme on parle en présence des morts.

Une d’entre elles, qui avait apporté un gros livre de messe, l’ouvrit à une page marquée et lut les prières des agonisants. Les autres répétaient les répons.

Des jeunes, qui avaient été les amies de Marthe, avaient sur leur visage un profond effarement, ayant peine à comprendre la mort. Mais les vieilles, qui avaient l’habitude, qui avaient veillé le cadavre d’un père ou d’un mari, celles-là bientôt distraites revenaient au train-train de leurs conversations familières,