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cifix de cuivre, un verre plein d’eau bénite où trempait un brin de buis.

Puis, s’étant agenouillée, elle se signa dévotement et se mit à prier.

Mais la mère Catherine entrait. S’étant approchée du lit de son pas menu et tremblant, elle baisa le front d’une pâleur de cire, puis, dans un geste instinctif, elle serra dans ses bras l’enfant qu’elle avait mise au monde, la gardant contre elle, ne voulant pas, disait-elle, qu’on la mit dans la terre.

La voisine l’entraîna ; elle se laissa conduire par la main, docile, obéissante, et si abattue par le coup, qu’elle semblait n’avoir plus notion de l’existence. De temps à autre elle répétait d’une voix lointaine, d’où la pensée était absente : « En voilà une affaire ! » Seulement elle sortit de sa stupeur, pour exiger qu’on mît à sa fille la robe de cachemire, préparée pour ses noces, et le voile de mariée en mousseline blanche. Une idée qu’elle avait comme ça ; et elle insistait, revenait, s’y attachait avec une énergie désespérée, comme si cela seul avait eu de l’importance.

On lui donna satisfaction.

Dans la pièce en dessous sonnait le pas du garde. Il allait et venait, trompant par une fièvre de mouvement l’envie qui le prenait de se briser la tête contre le mur. Pourtant une notion très nette subsistait en lui, celle de l’honneur militaire qui veut qu’on tienne bon avant tout, et qu’on ne déserte pas son poste. Et de grosses larmes, des larmes lentes, des larmes rares de vieux roulaient sur sa moustache blanche de « brisquard », trouvant un chemin tracé d’avance dans les rides, qui sillonnaient ses joues hâlées.