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contre la terre, pareille à une loque grisâtre, dont la couleur se confondait avec l’argile. Seulement de temps à autre un mouvement convulsif parcourait cette chose, inerte et frissonnante ; parfois elle poussait un grand cri, un cri de bête aux abois qui montait dans la solitude.

Autour d’elle, au-dessus d’elle, il n’y avait rien, rien que le vide immense, la monotonie ardente de la lumière et la vibration stridente, confuse, exaspérée des grillons qui montait des chaumes, comme la voix des campagnes assoupies sous le soleil.

Ses mains, ses pauvres mains blessées aux tiges aiguës des blés moissonnés, saignaient ; ses traits fins, sa grâce pensive et délicate étaient souillés de l’argile molle des labours.

Elle finit pourtant par se relever et, comme une bête qui rentre au gîte, un vague instinct la ramena dans sa maison.

Elle monta dans sa chambre et se jeta sur son lit, le visage tourné contre la muraille, étouffant dans les oreillers ce besoin de crier, qui était plus fort que tout. Et quand sa mère entra, attirée par ce cri affolant, qu’elle poussait par intervalles, elle ne put que lui apprendre la chose affreuse, et lui demander de la laisser seule. Et la vieille consternée sortit à pas muets, traînant ses sabots sur le plancher pour ne pas faire de bruit, et elle ferma doucement la porte sur cette douleur, qui ne voulait pas être consolée.

La nuit vint. Était-ce la nuit ? Un large silence pénétrait les vieux murs, le silence inquiet des vieilles maisons, tout frémissant du grignotement des souris et du craquement des meubles anciens. Haletante, ne pouvant plus tenir en place, prise d’un besoin fou de fuir