Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/270

Cette page a été validée par deux contributeurs.

géant roux, aux cheveux plantés droit sur le crâne, aux pieds et aux mains monstrueux, et qui avait dans tout son corps cette gaucherie particulière aux êtres démesurés.

Ses grands traits placides étaient marqués de petite vérole.

Thérèse lui présenta Pierre comme son fiancé, et quand elle l’eut mis au courant de ce qui se passait à bord de la Reine des eaux, il les installa à la table où il buvait, et leur dit d’attendre quelques minutes : le temps d’aller faire part à quelques copains, venus comme lui de leur village, de cette bonne visite.

Cette cantine était une grande pièce, aux murs enduits de peinture brillante, qui s’écaillait par endroits. Des enluminures grossières, représentant des scènes de la vie militaire, égayaient de leurs tons criards la nudité des murailles. Une fraîcheur de cave vous saisissait aux épaules et mettait sur la peau un frisson, au sortir du grand soleil.

Un bruit intrigua les deux jeunes gens, clair et monotone comme un chantonnement de source.

Le cantinier qui, les bras retroussés devant son fourneau, surveillait la cuisson d’une vague ratatouille, expliqua que ce bruit était produit par les filtrations des eaux, qui, traversant les talus de terre, venaient ruisseler sur le plafond de la salle. On avait même dû le revêtir d’une enveloppe de zinc pour protéger les hommes contre les douches continuelles. Il ajouta que c’était la même chose, du côté du nord, dans les chambrées où s’entassaient des soldats.

Puis il conclut rageusement, brandissant ses pincettes d’un air de menace :