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dans l’air des croix de chanvre nu, frêles assemblages qu’un mouvement un peu vif éparpillait sur le sol. Des vieux, somnolents, fumaient leur pipe en crachant dans les cendres du foyer d’un air songeur, et sur toute cette scène le « coupion », un lumignon du temps passé, pendu à la cheminée par une crémaillère de fer, jetait une lumière vacillante, qui ne pénétrait pas dans les coins grouillant d’ombres.

Tout le monde s’écarta pour faire place à Pierre, car il ne comptait que des amis dans le village, à cause de sa bonne humeur, de sa large prestance qui en imposait.

On lui offrit un verre de vin cuit, un vin qu’on prépare après la vendange, en mêlant au jus du raisin un peu d’eau-de-vie.

Un plaisant, un petit homme au visage goguenard, travaillé par toutes sortes de mines, de froncements d’yeux, de sourcils, racontait une « fiaue », un de ces récits de veillée interminables, avec des péripéties terribles ou grotesques, variant au gré du conteur.

Tout à coup un choc ébranla la vitre. Un enfant, levant sa tête ébouriffée, s’écria joyeusement : « On va dailler. » Et il se fit un grand silence, dans l’attente d’une chose mystérieuse.

C’est en effet une très vieille coutume en Lorraine, un usage qui vient du passé profond, que d’aller « dailler » le soir aux fenêtres. Et cette coutume se meurt doucement par l’indifférence des générations nouvelles, qui méprisent ces vieilleries.

Antique cérémonie, avec un rituel et des règles, qu’on n’abandonnerait pas, une fois qu’on l’a com-