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Un planton montait la garde à l’entrée du fort.

À travers le dédale des cours de maçonnerie et de couloirs obscurs, il conduisit les jeunes gens jusqu’à la chambrée, où logeait le cousin de Thérèse.

Ils regardaient curieusement ce spectacle nouveau pour eux. Des rayons de soleil oblique glissaient au fond des cours, et très haut au-dessus de leurs têtes, les talus couverts d’herbes étaient parcourus d’un frisson lumineux sous le vent. Des bourgerons et des pantalons de treillis, séchant au soleil, se balançaient dans le vide, comme des formes ridicules.

Devant chaque fenêtre étaient empilés des monceaux de rails de fer, qu’on devait glisser dans des encoches toutes préparées, en cas d’alerte, pour cuirasser les chambrées et les garantir des éclats d’obus.

Une vague sensation de malaise et d’étouffement pesait sur les visiteurs et faisait leurs paroles plus rares, comme s’ils se sentaient oppressés par le poids des voûtes bétonnées, par les assises formidables des moellons cimentés, formant un caillou gigantesque dont la masse devait résister à tous les chocs.

Des hommes, assis à des fenêtres, raccommodaient des vêtements ; un linot dans une cage faisait entendre un chant de prisonnier, léger et plaintif.

Justement le cousin n’était pas dans la chambrée. Un soldat, qui nettoyait un râtelier d’armes, répondit au planton qu’on le trouverait sûrement à la cantine.

On s’y rendit ; la porte entr’ouverte, il vint au-devant de Thérèse et lui sauta au cou. C’était une espèce de