vague, de délicieux, d’irrésistible, comme l’approche de grands bonheurs.
Le lendemain, qui était un dimanche, ils devaient monter jusqu’au fort, bâti sur la côte de Pont-Saint-Vincent. Ils allaient voir un cousin de Thérèse, qui y faisait son service comme artilleur de forteresse.
Le matin s’éveillait dans la lumière et la rosée. Un croissant de lune, mince comme un fil, pâlissait et se fondait peu à peu dans la splendeur du jour. Pierre attendait, assis sur un paquet de cordages ; il avait grand air dans ses vêtements de cérémonie, où l’on voyait encore la trace de quelques plis ; la fille allait et venait dans l’affairement de ses préparatifs ; un éclat de lumière blonde courait sur ses bras nus.
Le père Maquet lavait le pont à grande eau, puisant dans le fleuve avec un seau attaché à un bout de filin. Il frottait à tour de bras, s’arrêtant par instants pour essuyer son front, ruisselant de sueur.
Haussant les épaules, il dit :
— Avec les femmes et tous leurs affutiaux, on ne sait jamais quand on part.
Enfin Thérèse fut prête. Les deux vieux assistaient à ce départ, comme à un événement considérable. Ragaillardis, ils se regardaient avec des demi-sourires et des mines satisfaites, et Pierre, qui sentait leur regard dans son dos, entendit la vieille disant à son mari :
— Ça fait un beau couple tout de même !
Puis ils furent seuls, enivrés d’eux-mêmes, dans la joie naissante du jour.