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le sol des rues désertes, où stagnaient des flaques de purin, était piétiné et défoncé par les troupeaux, allant à l’abreuvoir.

Les deux pêcheurs abordaient, cherchant une auberge pour y casser une croûte.

Tous les habitants étant partis aux champs, un grand silence tombe, par les après-midi, dans les rues désertes. À peine virent-ils un vieux assis devant sa porte, et chauffant ses rhumatismes au soleil. Quand les deux hommes passèrent, il leva lentement ses yeux ternes, aux prunelles vitreuses, et ses mains allaient et venaient sur ses genoux, agitées d’un tremblement sénile, cherchant la tiédeur des derniers rayons, la seule joie qui reste aux pauvres vieux, et qui les console.

La navigation était dure dans ce ruisseau ; il fallait franchir des bancs de sable où la barque s’enlizait. Alors Pierre sautait à l’eau et il halait la barque jusqu’au moment où on était sorti du mauvais passage. À la longue, cela vous épuisait, ces bains dans l’eau courante.

On achevait de souper, ce soir-là, sur le pont de la Reine des eaux. La table mise à l’arrière, à l’endroit où les poutres de la membrure viennent s’implanter dans la travée de l’étambot, la voile brune, étendue sur le mât, formait une tente qui, pendant le jour, protégeait ce coin des ardeurs du soleil. Le chargement de la Reine des eaux était terminé ; les pièces de chêne équarries exhalaient dans le vent cette odeur forte,