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volonté devant ce désespoir, qui se taisait, dans la crainte de lui déplaire, et il était prêt à toutes les lâchetés.

Si fine, elle avait très bien remarqué le mouvement de curiosité, dont Pierre était tout frémissant, quand elle lui racontait les voyages de la Reine des eaux, dans les pays étrangers.

Comme il lui demandait détails sur détails ! Avec quelle attention il suivait ses récits, visiblement emporté loin du présent, impatient de tout connaître sur les divers usages des pays et des hommes. Alors ses yeux s’ouvraient tout grands, comme ceux d’un enfant à qui l’on raconte des histoires.

Sans avoir l’air d’insister, avec une rouerie patiente de femme obstinée dans ses desseins, elle ramenait la conversation à ce sujet préféré.

C’est ainsi qu’elle lui apprit que leur chaland avait fait séjour en Alsace, en septembre de l’année précédente, amarré le long d’une des îles verdoyantes, dont la rive du Rhin est toute obstruée. Dans ces villages les grappes blondes du houblon, mêlés à des festons de roses, enguirlandaient le fronton des chalets rustiques. On y fumait du tabac fin dans des pipes de porcelaine, et pour une monnaie de nickel, qui valait à peine un sou, on avait une pinte de bière fraîche, qui moussait doucement dans des pots de grès, sur les tables d’auberge. Les dimanches on s’en allait en carriole vers les vallées des Vosges, dont la ligne bleuâtre ondulait à l’horizon ; des couloirs étroits s’ouvraient entre les