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marinier encore solide : sa carcasse noueuse, sanglée d’un jersey de coton, son béret de laine bleue enfoncé sur son front jusqu’aux yeux, il levait lentement sa face tannée, hâlée par les vents, recuite par les soleils qui tombent sur l’eau. La cendre de son moignon de pipe chauffait son nez écarlate, et, de temps à autre, il lançait un jet de salive brune, dans un crachoir de faïence posé à ses pieds, sur le parquet.

Et chaque fois la vieille lui jetait un regard irrité, craignant pour la splendeur immaculée de son plancher, et d’un mouvement sournois du pied, elle rapprochait de lui le crachoir. Lui la laissait faire, ayant l’air de ne s’apercevoir de rien, faisant mine parfois de secouer la cendre de sa pipe sur la toile cirée de la table. Et ce manège, qui durait, tenait une place importante dans la vie monotone de ce logis.

La mère Maquet s’empressait autour de son hôte multipliant les avances, avec cette obséquiosité propre aux mères qui ont des filles à marier.

Peut-être aussi avait-elle reçu des confidences de sa fille. À de certains gestes, à des clignements d’yeux, on voyait qu’elle la félicitait de son choix. Elle avait dû être fort belle, et, comme toutes les femmes, revivant son passé dans sa fille, elle en était ragaillardie.

C’était une grande femme osseuse, au grand nez maigre, au visage en lame de couteau, dont les cheveux blancs étaient cachés dans un mouchoir de cotonnade rouge et vert.

Elle dit à Pierre, d’un ton de voix criard qui allait bien avec sa personne, toute en angles :

— Comme ça, c’est gentil d’avoir fait danser notre fille.