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firent un tour de promenade, se donnant le bras. Pierre ne trouvant rien à dire à sa danseuse, cherchait des mots dans sa tête, tournait en tous sens des bouts de phrase, tandis qu’elle le regardait en dessous, muette et concentrée.

Seulement les mains de la fille allaient et venaient, énervées, agitant les breloques suspendues à sa chaîne de montre, trahissant le trouble qui s’était emparé d’elle.

Enfin, il lui dit, la voix changée et balbutiante :

— Pourquoi regardez-vous les gens qui passent sur la rivière, avec l’air de vous moquer d’eux ?

Elle s’arrêta, et lui dit bien en face :

— Je regarde ce qui me plaît, et parce que cela me plaît.

Et les yeux noirs eurent encore leur expression de douceur profonde. Puis la danse recommença ; ils se reprirent, émus et enivrés. Alors elle lui dit :

— Ne vaudrait-il pas mieux prendre le frais au dehors, au lieu de rester dans cette salle où on étouffe ?

Ils sortirent dans la cour étroite qui donnait sur les jardins. Sous le ciel d’un bleu tendre, pénétré de la poussière d’argent qui émanait de la lune, les coteaux prolongeaient leurs ondulations dans les lointains vaporeux. Les grandes masses immuables de la terre reposaient dans une sérénité infinie. Quelques étoiles scintillaient d’un éclat tremblant et tendre : par moments, des bruits mystérieux passaient, palpitant étrangement au cœur de la nuit : des bruits venus des bords reculés de l’horizon, emplissant le large silence d’un immense frisson de vie.

Plus près d’eux, des espaliers agitant leurs branches