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bohémiennes, des coureuses. Il lui montrerait qu’une femme ne lui faisait pas peur.

Appuyée contre un pilier à l’autre bout de la salle, elle le regardait encore.

Plus jolie ce soir-là, toute sa mise soigneusement attifée lui donnait un air de coquetterie provocante. Son torse se moulait sur un corsage de soie, dont les plis se cassaient autour de sa taille en reflets miroitants. Une rose rouge épanouie tachait de sa pourpre la splendeur lustrée de sa chevelure. Des boucles d’oreilles, en larges anneaux d’or, mettaient autour de ses joues ambrées une palpitation fauve, un scintillement continu de métal. Des accroche-cœur effilés, au coin de ses tempes, aiguisaient le regard de ses yeux noirs.

Quand il se posait sur Pierre à la dérobée, il avait, ce regard profond et sombre, une douceur qui démentait l’expression d’effronterie qu’elle s’efforçait de donner à ses traits.

Pierre voyait très bien tout cela.

En ce moment, l’orchestre, adoucissant le chant de ses cuivres dans une langueur molle et balancée, commençait la ritournelle d’une valse. Il baissa la tête, et se lançant dans la cohue, alla inviter la belle fille.

Celle-ci accepta sans mot dire.

Il sentait maintenant ce corps souple onduler dans ses bras avec un mouvement sinueux, une grâce de chose vivante, pareille à un rythme d’amour. Sous sa main largement plaquée sur l’étoffe du corsage, la taille ployante frémissait, palpitait, semblait se dérober. Par moments leurs genoux se frôlaient.

La danse prit fin. Suivant la mode du pays, ils