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avec ce dandinement d’épaules qui lui était habituel.

Pêle-mêle curieux et disparate. Il y avait là des vignerons facilement reconnaissables à leur blouse de toile grise, attachée au cou par une agrafe de cuivre. Mais comme ils étaient noyés dans le flot tumultueux des gens venus de tous les pays ! Des ouvriers d’usine passaient, la taille serrée dans leur bourgeron de toile bleue, arborant des casquettes de soie sur leurs têtes faubouriennes, vicieuses et chafouines. Des mineurs du Nord, travaillant à l’extraction du minerai, géants blonds et lourds, aux chairs molles, se mouvaient avec lenteur, échangeant entre eux, à de rares intervalles, quelques mots d’un patois rauque. Et des terrassiers piémontais, de beaux hommes, aux têtes frisées, formaient dans un coin un groupe compact, hostile et sournois. On les craignait, car leurs discussions se terminaient, d’ordinaire, par des coups de couteau.

Pierre cherchait à se faufiler parmi les couples, quand il entendit une voix qui disait derrière lui :

— Regarde ce beau garçon. Il devrait bien me faire danser. Mais il est trop fier pour ça.

Il se retourna et reconnut la fille des bateaux. Elle riait effrontément, au bras d’une compagne.

Il la regarda fixement, avec ce grand air de fierté qu’il avait devant les gens, qu’il ne connaissait pas.

Moqueuse, elle soutint son regard, puis elle lui partit au nez d’un éclat de rire si railleur, qu’il en fut tout décontenancé. Elle s’éloigna.

Pourquoi se moquait-elle ainsi des gens, cette fille si délurée ? On savait ce que valaient ses pareilles : des