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Pierre avait lu la lettre tout d’un trait, puis il la relut posément, savourant toutes les tendresses inexprimées qui se levaient de chaque ligne, de chaque mot, avec un murmure familier, un chuchotement câlin et enveloppant.

Elle était là, tout près de lui, parlant tout bas dans ce soir calme. Certains mots, qui lui étaient habituels, rappelaient les gestes qui les accompagnaient, et cela lui donnait l’illusion de sa présence.

Son cœur se gonfla subitement d’une telle poussée d’amour, qu’il la chercha vaguement, tourné dans un mouvement instinctif vers le coin de l’horizon, où se trouvait le petit village.

Il regardait longuement la chère lettre, écrite sur un papier de dentelles, comme en emploient les amoureux de campagne. Une guirlande de pensées courait sur les bords, tandis qu’un bel oiseau bleu prenait son vol vers le haut de la page, à l’endroit où elle avait écrit ces mots qu’il répétait avec une ivresse confuse.

« Mon cher Pierre, mon cher Pierre… »

Autour de lui, comme pour faire écho aux tendresses murmurantes qui s’agitaient en son cœur, la magie des soirs silencieux accomplissait son mystère. Baignés d’air immobile et bleuâtre, les arbres du jardin, les vieux murs croulants, les toits de tuile brune s’enveloppaient de nuances doucement éteintes, et retournaient au silence et au recueillement de la nuit. Des odeurs pâmées montaient des brins de chèvrefeuille, les corolles des belles-de-nuit jetaient une dernière senteur pénétrante, comme un adieu mélancolique au jour. Et dans toutes les odeurs qui flottaient, insaisissables, Pierre croyait reconnaître le parfum des brins