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Puis il s’engagea sur la pente ravinée.

Bientôt il ne fut plus qu’un point imperceptible entre les buissons d’églantier, qui garnissaient les talus de la route. Puis il disparut à un tournant.

Alors une détresse aiguë envahit Marthe tout entière, une détresse qui tenaillait sa chair et son esprit. Et soudain elle eut envie de l’appeler, de courir vers lui, de lui parler encore, un afflux de tendresse, une montée de passion véhémente lui ayant fait trouver les paroles émouvantes, les protestations de fidélité, les serments solennels qu’elle n’avait pas su lui dire.

Elle revint tristement sur ses pas.

L’air était doucement lumineux, les blés se mouvaient dans une clarté blonde ; pourtant rien ne lui souriait.

Elle se laissa tomber sur le bord de la route.

Débouchant d’une sente herbeuse, courbée sous le poids d’un fagot de bois mort, qu’elle venait de ramasser brin à brin dans les friches, la vieille Dorothée s’avança.

Dès qu’elle aperçut Marthe, jetant son fagot à terre, la vieille vint s’asseoir à côté de la jeune fille. C’était son habitude, à cette pauvre femme. Au cours de ses vagabondages à travers champs, elle venait retrouver les travailleurs et prenait place à leur côté, quand ils se reposaient, pour boire un coup. Elle n’avait pas grand’chose à leur dire, mais un obscur besoin de sympathie et de réconfort la ramenait vers les êtres vivants.

Du premier coup d’œil, elle remarqua bien la stupeur désolée dont le visage de Marthe était empreint. Elle s’informa, apprit la séparation inévitable.