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Les deux Noel partirent pour leur campagne de pêche. Ils se mirent en route, un dimanche après la messe.

Marthe les accompagna jusqu’à la côte du Ragot.

Le vieux Dominique précédait les jeunes gens de quelques pas, voulant les laisser en tête à tête.

Ils ne se parlaient pas, une même gêne les oppressant. À quoi bon répéter les propos tenus tant de fois, chercher des consolations dans des paroles inutiles ? À peine s’ils osaient se regarder, sentant bien que le moindre signe d’émotion les aurait fait pleurer. Ils voulaient être forts, mais leurs lèvres tremblaient et ils détournaient tristement la tête. Il se faisait en eux un mouvement de choses inexprimées, qui retombaient sur leur cœur, le gonflaient désespérément.

La route s’allongeait : Marthe allait plus loin qu’elle n’aurait voulu. Elle prendrait congé des pêcheurs auprès de cet enclos, à ce champ de trèfle, à ce bouquet d’arbres. Et toujours elle avançait.

Ils parlèrent pendant quelque temps de leurs projets d’avenir, et ces espérances lointaines, dérivant le cours de leurs pensées, leur apportèrent quelque soulagement.

Il fallut se séparer : à peine si on apercevait la flèche du clocher pointant derrière eux, au milieu des vignobles.

Alors Pierre l’embrassa, la serra longuement dans ses bras. Et cette étreinte robuste avait une loyauté qui rassura Marthe.