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propre argent, gagné par son travail de brodeuse, la chemise du marié, une belle chemise, dont le devant était gaufré de petits plis.

Puis, deux dimanches de suite, ils allèrent faire leurs invitations dans les pays du voisinage.

Ils partaient après la messe, marchant par les champs ensoleillés, à travers les seigles blonds et les sainfoins en fleur, et d’aller ainsi aux bras l’un de l’autre pour leurs affaires, cela leur donnait déjà l’illusion d’être mari et femme.

Partout où ils allaient, on les regardait avec curiosité ; des filles soulevaient leurs rideaux, pour les voir passer, et des femmes, d’une porte à l’autre, s’extasiaient sur leur bonne mine. Chez les parents où ils étaient attendus, c’étaient des conversations interminables auprès de la table, où la maîtresse du logis avait déposé une bouteille de vin vieux, une tarte aux cerises, ou un gâteau de fine farine, pétri à leur intention. On leur demandait des nouvelles, on s’informait de ceux qui étaient nés ou qui étaient morts dans leur village. On leur racontait aussi, avec force détails, les généalogies compliquées et les liens de parenté qui unissaient les familles, car on a cette religion dans le pays, et les rejetons d’une même souche, nombreux à l’infini, et qui ne se retrouvent guère qu’aux noces et aux enterrements, se considèrent toujours comme étroitement unis. Cela finissait souvent par des contestations où tout le monde s’embrouillait ; n’empêche, on se promettait de rire et de danser à leurs noces.

Ils avaient compté le nombre des convives. Si tout le monde venait, ils seraient au moins une centaine de personnes. Cela venait de la famille de Pierre, une