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et se regardaient dans les yeux, ne trouvant pas de paroles, tellement ils avaient de choses à se dire. Les bouffées du vent tiède leur apportaient par moments les sons du cornet à piston, qui faisait danser les filles à l’assemblée.

Ils causaient lentement de l’état des récoltes, s’informant avec intérêt du progrès des cultures. Chez Dominique, les pluies avaient fait couler la fleur du raisin ; chez Marie-Anne, les orages gonflant les ruisseaux avaient « enlésiné » le foin des prairies riveraines…

Les souvenirs se suivaient un à un, comme les grains d’un chapelet.

Un jour sur semaine, Dominique avait trouvé sa bonne amie pliant la lessive étendue au soleil sur des haies. Une nuée montait, envahissant peu à peu le ciel. Elle l’avait prié de lui donner un coup de main, riant aux éclats à l’idée de confier pareille besogne à un gaillard aussi solide. Lui avait obéi docilement, comme il faisait toujours quand elle lui commandait quelque chose. Ils rentraient les draps de toile rude, tirant à chaque extrémité pour en effacer les plis. Profitant d’un moment où il tournait la tête, Marie-Anne donna une secousse si brusque qu’il s’étala, les quatre fers en l’air.

Il croyait entendre son rire.

Puis ils s’étaient mariés, et il l’avait emmenée dans la maison de son père. Ils étaient partis sur un charreton garni d’une botte de paille qui les secouait terriblement, les jetait l’un sur l’autre, chaque fois que la roue retombait dans l’ornière. Ils se regardaient en dessous, un peu gênés, heureux de sentir à chaque secousse le contact de leurs corps, qui se cherchaient