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de la plaine. Des routes fuyaient à l’horizon, alignant leurs rangées de peupliers, dont les cimes s’enfonçaient parfois dans les vallons. Et dans toute cette étendue, on ne voyait que la fuite des labours profonds, des sillons de terre brune, et par endroits des friches couvertes d’une herbe jaunâtre.

Dominique se mit en route.

Il allait dans un de ces villages lointains, où sa femme, la Marie-Anne, était née ; il avait à régler là-bas un partage de biens, qui n’en finissait pas.

De chaque côté du chemin s’étendaient des landes incultes, des espaces où la couche d’humus était si mince, qu’on ne pouvait même pas y semer du seigle. Une herbe rase y poussait, que les moutons avaient peine à brouter. Des pierres plates, rongées de pluies et de soleil, gisaient là, immobiles depuis la naissance de la terre. Des touffes de joncs secs formaient par endroits une végétation, déconcertante au milieu de ce sol aride.

De grands souffles d’air brûlant balayaient ces plateaux.

Soudain ravivé par les détails insignifiants du chemin, un souvenir se leva dans sa mémoire.

Il la voyait très bien maintenant, cette Marie-Anne qu’il avait tant aimée, au temps de sa jeunesse et de sa force. Elle venait au-devant de lui, sur la route, les dimanches où ils se retrouvaient. Elle était un point imperceptible au bas des grands peupliers, qu’il avait déjà reconnu, et alors il faisait un temps de galop, dans sa hâte de la rejoindre. Ils se retrouvaient près du ponceau de pierre, jetant sa seule arche sur le ruisseau. Alors ils s’asseyaient sur le parapet rongé de mousse,