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tendresses ces mots ingénieux, ces phrases lues dans des livres, que prononcent les gens de la ville, se donnant quelquefois l’illusion des sentiments qu’ils n’ont pas. Ce qui revenait dans leurs conversations, c’étaient quelques mots, consacrés par l’usage que d’autres en avaient fait avant eux, d’autres qui n’aimaient plus, qui ne pensaient plus, qui ne souffraient plus, qui dormaient sous les croix du cimetière.

Ils échangeaient aussi des caresses, où ils faisaient tenir toutes leurs émotions, toutes leurs sensualités, toutes les choses profondes et douces, qu’ils ne savaient pas se dire et qui, refoulées en eux-mêmes, retombaient sur leurs cœurs.

Leur conversation, d’ordinaire, se terminait par des projets d’avenir.

C’étaient des combinaisons prudentes que Marthe avait mûries dans sa tête, au cours de ses longues rêveries, en femme réfléchie qui n’entend rien laisser au hasard :

— Quand nous serons mariés, disait-elle, on nous offrira d’habiter chez mes parents ; mais il vaut mieux refuser : chacun à sa place ; les vieux avec les vieux et les jeunes avec les jeunes.

Elle lui expliquait ainsi qu’ils retiendraient un logement qui se trouvait à louer dans la maison du boulanger. Les fenêtres, exposées au soleil de midi, s’ouvraient sur les jardins ; de là on verrait les prés, la rivière, les bois. C’étaient de grandes pièces à la mode ancienne, mais au moins on pourrait s’y retourner. On y transporterait le grand lit, la glace de sa chambre de demoiselle, et on achèterait à la ville une pendule, qui lui faisait envie.