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tion qu’on souperait en compagnie. De cette façon, on ne se séparerait pas à la fin d’une bonne journée, et on aurait comme un avant-goût des noces.

Pierre accepta sans se faire prier, sur un petit signe que Marthe lui fit des yeux.

On envoya un enfant, qui jouait dans la cour, prévenir Guillaume de ne pas attendre les deux pêcheurs, ce soir-là.

La mère Catherine atteignit un chaudron de cuivre, bassine monumentale dont l’éclat rougeoyait sur une planche, tout au fond de la cuisine. Tous ses instincts de bonne cuisinière s’étant réveillés, elle avait une mine sérieuse, attentive, affairée, le regard perdu dans le vide du chaudron, et réfléchissant à des sauces compliquées. Le poisson nettoyé et vidé, on le coucha sur un lit de fenouil et de thym odorant que Marthe avait cueilli au jardin, à tâtons. Puis on remplit le chaudron jusqu’au bord, avec le vin généreux de la dernière récolte.

La flamme des sarments monta, légère, pétillante.

Il fallait la voir, cette mère Catherine, dans tout le sérieux de cette fonction, la face allumée par le rayonnement de l’âtre, les brides de son bonnet envolées sur son cou. Attentive à sa besogne, elle surveillait la cuisson, retirant le chaudron dès que le bouillonnement devenait trop fort, le replongeant dans la flamme à petits coups rapides. Tout à coup la marmite entière prit feu, flamba comme un incendie, une flamme dansante et bleue voletant à la surface du liquide. Tout le monde riait : sacré mâtin ! C’était une preuve que le vin était bon, et ça n’arrivait pas toutes les années.