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rayons s’allongeaient obliquement, dorés et chauds, dans un tournoiement de pollens exhalés des fleurs, de moucherons rayant l’air de leurs danses grêles.

Alors les chevaines bondissaient à la surface des flots, happant les insectes du soir, et leurs sauts faisaient à la surface de la rivière de grands cercles lumineux, qui allaient mourir sur les bords.

Pierre se dévêtait et debout, à l’avant de la barque, il se laissait couler dans l’eau.

Il nageait bien. Autour de lui, l’eau courait, vivante et froide ; ses mains divisaient la nappe transparente. Parfois, il plongeait. Alors d’étranges paysages se révélaient pendant quelques secondes, dans la lumière glauque tombée de la surface, qui s’agitait sur sa tête comme un cristal mouvant. Des bulles d’air montaient devant ses yeux, rapides et nombreuses. Sur le fond, des arbres géants reposaient, engloutis depuis les temps préhistoriques, que le lent travail des eaux revêtait d’une enveloppe calcaire. Des sources fluaient, au sein de la nappe profonde, y versant une fraîcheur glacée.

Pierre remontait à la surface.

Le soir tombait, des fuites d’astres rayaient le ciel. Toute une vie inquiète et frémissante s’éveillait dans les roseaux : des bêtes plongeaient ; des mares assoupies au fond de la nuit, se levait la mélopée des crapauds.

Pierre et Marthe ne se quittaient presque plus, maintenant qu’ils étaient fiancés. Marchant côte à côte le