Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec des gestes habiles et menus de ses grosses mains. Puis, lui ayant caressé doucement la joue, il lui dit :

— Tranquillise-toi, ma fille, on va te requinquer, et tu iras bientôt danser avec ton galant.

Ayant déchiré une feuille blanche de son carnet, il se mit à rédiger minutieusement une longue ordonnance, où il prescrivait du repos, des fortifiants, une bonne nourriture. Les deux vieux respiraient plus librement, délivrés dans leur angoisse.

Quand il eut fini et qu’il eut pris congé de Marthe, il s’arrêta un moment dans la cuisine du rez-de-chaussée et, jetant aux vieux son regard inquisiteur, il leur demanda des explications.

Leur fille n’avait-elle pas une cause de chagrin, qu’elle tenait cachée ? Les médecins étaient faits pour soigner le corps, mais si le moral leur échappait, au diable la besogne ! Il y avait là quelque chose qu’il ne comprenait pas. La fille n’était pas malade. Un peu d’anémie seulement. Mais il fallait prendre garde : c’était de cette façon qu’on claquait. Les mauvaises maladies étaient embusquées sournoisement, prêtes à s’insinuer dans les organismes, qu’un chagrin minait.

Il conclut :

— Allons, parlez-moi avec franchise.

Alors la vieille mère Catherine lui raconta l’histoire d’amour, banale et lamentable, la tromperie du garçon, la pauvrette qui, n’ayant plus de goût à rien, ne parvenait pas à se rattacher à la vie.

Le garde haussait les épaules : la vieille avait tort de parler ainsi. Toutes les femmes avaient la berlue, avec leurs histoires de sentiment. Si Marthe en était là, ce n’était pas à cause de ce freluquet, pour sûr.