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que les choses s’acharnaient, écrasaient cette pompe, voulaient protester par leur sérénité muette contre ces espérances, ces murmures d’humanité prosternée, dans la crainte du Dieu terrible et de la mort.

La sonnette tinta encore.

Comme une rumeur d’orage troue la cime des forêts, les cantiques repartirent avec force. Des gros chantres, les veines du cou gonflées, faisaient sonner leurs basses profondes, ayant l’air de tirer les notes de leurs talons.

La procession s’éloigna, dans un murmure de voix. Des femmes étaient restées au pied du reposoir, soufflant les bougies, repliant les draps, reportant les chandeliers dans les maisons voisines, et la vieille Dorothée les aidait.

Juste à ce moment, Pierre et la Renaude, leur ouvrage terminé, débouchaient de la Creuse. Toujours effrontée, la fille aux corsages voyants se pendait au bras du garçon, ayant dans son allure une langueur provocante.

Marthe, toujours assise à la même place, tourna la tête.

Mais la vieille Dorothée s’était levée, menaçante.

— Mauvais drôle, cria-t-elle, tu as le front de te montrer avec une pareille coureuse. Passe ton chemin. Laisse les honnêtes filles tranquilles.

Pierre haussa les épaules.

— Va, mauvais sujet, ça ne te portera pas bonheur !

La vieille criait si fort que la voix se cassait dans sa gorge. Ses mains tremblaient. Suffoquée par l’indignation, elle dut s’asseoir sur un billot de chêne qu’on avait roulé là. Des femmes s’ameutaient, s’excitant