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C’était la Fête-Dieu.

De bon matin, les hommes étaient partis au bois pour y couper des branches de sapin et de charme. Les chariots revenaient par les chemins pierreux, leur charpente desséchée grinçant à chaque cahot. Ils descendaient, pareils à des monceaux de forêt mouvante, et les ramures balayant le sol, un flot de poussière montait, doré par le soleil.

Dorothée, la petite Anna, Marthe allaient cueillir des fleurs, dans la prairie. On égrène les pétales dans des corbeilles d’osier revêtues de linge blanc, et les petits enfants les jettent par poignées à la face du Saint-Sacrement, qu’on promène par les rues.

Les foins déjà très hauts s’étalaient comme une mer, et la petite Anna y enfonçait jusqu’aux épaules.

Elle ouvrait de grands yeux, amusée par le vol bruissant des bestioles. De gros hannetons, ouvrant des ailes de gaze fripée, s’enlevaient soudain d’un vol lourd ; des bêtes à bon Dieu aux élytres ponctués couraient sur les feuilles minces, qu’elles courbaient un peu sous leur poids. De larges papillons couleur de soufre, aux ailes ocellées, voletaient, semblables à des fleurs ivres de lumière, qui se seraient détachées de leur tige.

— Asseyons-nous un peu, dit Dorothée, y fait si chaud qu’on n’en peut plus…

Tout le monde s’adossa au tronc d’un saule vermoulu, à demi mort, où des petits pâtres avaient mis