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TERRES LORRAINES


PREMIÈRE PARTIE




Il pouvait être sept heures du matin, en novembre. Une aube pluvieuse filtrait du ciel bas, noyait les champs d’une désolation infinie. Les chaumes grisâtres, lavés par l’automne, revêtaient la terre d’une toison hérissée, pareille à un vêtement de miséreux. La pluie cessait par moments ; alors une buée d’eau se levait des bois, dont le moutonnement ondulait dans les lointains ; puis une déchirure livide s’ouvrait au flanc des nuages ; la pluie tombait en un ruissellement de cataracte, comme si toutes les eaux du ciel s’étaient ruées par cette ouverture.

La route dévalait presque à pic. Par endroits des bancs de pierre affleurant le sol y faisaient des marches d’escalier pour des pas de géant, et ces pierres blanches étaient polies par la roue des chariots, par l’écoulement des eaux, par le glissement des sables.

Deux silhouettes s’ébauchèrent dans la grisaille du lointain, deux paysans qui marchaient côte à côte.