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Cette fois le printemps était revenu.

L’herbe des prés était d’un vert lourd, luisant, tout neuf. Des touffes de primevères le nuançaient par places de jaune pâle et, dans les creux humides, des pieds de cochléaria avaient poussé, étalaient sur les eaux leurs grappes couleur de lilas.

C’était dans les hauteurs de l’air une lente débâcle de nuages, emportés par des souffles tièdes et qui s’effilochaient en lambeaux de brumes. Le ciel d’étain qui avait pesé sur les campagnes pendant tout l’hiver, comme un couvercle, s’ouvrait, se fondait, se pénétrait de lumière.

La vie recommençait. On voyait dans les chemins des bandes de vignerons, guêtrés de coutil et la serpette au genou, allant bêcher leurs vignes. Leurs houes, sur leurs épaules, avaient des luisants d’acier, poli par le frottement des terres. Sur la blancheur des coteaux lavés par les pluies d’hiver, les carrés fraîchement remués se détachaient vigoureusement.

Quand un nuage cachait le soleil, une fraîcheur glacée passait dans l’air. Alors les vignerons, abrités derrière les tas d’échalas pour le goûter, allumaient des feux de sarments, dont la fumée bleue courait au ras des terres.

Puis venaient des coups de soleil, éclatants et splendides, qui fouillaient la campagne, réchauffaient les toits de tuile, pénétraient au fond des bois, allant éveiller partout le frémissement de la vie universelle.