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elle, sa droiture de fille chaste, un peu méprisante. Ses mains tremblaient sur son ouvrage, sa bouche se plissait, dans cette moue douloureuse que font les petits enfants quand ils vont pleurer. Au fond de ses entrailles, quelque chose se tordait.

Elle se retenait par fierté, craignant qu’il ne triomphât de ces larmes et ne s’en moquât, en compagnie de la Renaude. Cette contrainte la faisait souffrir davantage. Lui, beau gars comme toujours, effronté et rieur, avait commencé par nier. Que chantait-elle là ? Elle avait mal dormi sans doute. Il haussait les épaules en homme sûr de lui.

Elle précisa, la voix brève et sifflante.

— Taisez-vous. Vous devriez rougir. Je vous ai vus tous les deux… vous… cette fille à soldats…

Alors il ricana :

— Et après ! Est-ce que ça empêchait les sentiments ? Pour rigoler un soir, au fond des fossés, cette fille était bien bonne.

Elle s’était levée, toute blanche, son sang reflué au cœur, prise d’un mouvement de colère qu’elle ne put s’expliquer dans la suite. Elle le saisit par l’épaule et le repoussa durement, avec une force qu’elle ne se connaissait pas, et du coup lui ferma la fenêtre au nez. Les battants claquèrent.

Il restait dans la rue, dépité, piétinant sur ses talons, un sourire d’embarras aux lèvres. Prendrait-il son parti de rire de cette algarade ? Puis une montée de colère l’envahit ; il fronça les sourcils et enfonçant son chapeau d’un geste décidé, il s’éloigna à grands pas.

Avait-on jamais vu une pareille pimbêche, une fille grosse comme rien, qui voulait imposer sa volonté. Il