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LES MYSTÈRES DU CRIME

meilleure part dans les affaires si ça se peut… Je reste ce que je suis : Sacrais, le mouchard de la renâcle[1].

— C’est ça, tu veilleras à notre sécurité, ça vaut mieux, dit Tintin ; mais, à propos, qui veut-elle nous donner pour chef, faudrait savoir !

— Un gars à poigne, je pense, répondit Sacrais avec une nuance de jalousie. S’il tient la parole qu’il a donnée ce soir à la Sauvage, ce sera le pègre des pègres, la terreur des pantes[2].

Il y eut un vif mouvement de curiosité. On ne perdait pas une seule des paroles du sinistre gredin qui jouissait de son prestige sur les malfaiteurs qui l’entouraient.

Mais un nouveau venu vint faire diversion brusquement en se plantant devant la table, les mains dans ses poches. Il eût été difficile de lui assigner un âge. Il devait être jeune cependant. Sa figure portait l’empreinte de la fausseté et de la corruption.

C’était l’amant de la mère Peignotte.

— Le Nourrisseur ! s’écria Bambouli.

— Je n’ai qu’un mot à vous dire, fit vivement celui-ci : c’est pour cette nuit l’exécution de Général. Rendez-vous vient d’être pris à la minute avec la Sauvage pour minuit au claque[3] de la mère Poivre-et-Sel. Que pas un de vous ne manque. C’est dit, n’est-ce pas ? Au claque… à minuit !

Et il s’esquiva aussitôt.

Un instant après, la bande tout entière avait quitté le bal des Gouapeurs.

L’homme qui dormait non loin des bandits se releva d’un bond et se jeta sur leurs traces.

— À nous deux, Sacrais, dit-il à demi-voix.


CHAPITRE IV

Le Lupanar.

Une heure après la scène que nous venons de retracer, l’établissement innommable tenu par la mère Poivre-et-Sel, regorgeait de « clients ».

Cette maison ne se distinguait de ses pareilles des boulevards extérieurs que par un ton plus canaille. C’était le summum de l’abjection.

Comme dans la plupart de ces antres de débauche, il y avait une double

  1. Police.
  2. Honnêtes gens, victimes.
  3. Maison de tolérance.