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LES MYSTÈRES DU CRIME

Un homme venait de pénétrer dans l’étroit couloir de l’hôtel. Il entra dans le bureau où se tenait le sieur Peignotte.

La conférence dura longtemps.

Le débit de liqueurs se remplissait de monde. On parlait bas, car la patronne n’avait pas caché à ses clients qu’un agent causait avec son mari, dans la pièce voisine.

Enfin, on vit passer le mouchard dans l’allée et aussitôt le père Peignotte entra dans la boutique.

— Il arrangera ça pour le mieux, dit le patron à sa femme, nous en serons quittes, mais c’est cher…

— Combien ?

— Cent balles, il n’a pas voulu en démordre.

La mère Peignotte fit la grimace.

— Cent francs ! en v’là un cochon,

— Bah, dit le Nourrisseur qui avait entendu l’exclamation de la vieille, faut pas vous désoler. Sacrais vous rendra ça, puisque c’est lui qui vous avait envoyé Petit-Père.

Le temps s’écoulait.

À un moment donné, la mère Peignotte fit un signe au Nourrisseur.

Quelqu’un entrait.

C’était un homme de haute taille, négligemment vêtu. Il n’avait pas dû se faire raser depuis plusieurs jours, car sa figure s’estompait de noir. Il ne portait pas de barbe.

Il s’assit un instant, le temps de prendre une absinthe, et il sortit après avoir allumé sa cigarette au brûle-gueule du patron.

— Au revoir, M. Renaud, fit la mère Peignotte en clignant de l’œil au Nourrisseur, comme la porte se refermait.

— Il a une drôle de tête, ce particulier-là, se dit le Nourrisseur.

En ce moment, un petit être sautillant et mal tourné, entra dans l’estaminet avec force contorsions.

Il alla droit au Nourrisseur.

— Tiens, La Puce !… et par quel hasard ?

L’individu ainsi nommé répondit à voix basse et remit une lettre au Nourrisseur.

Elle contenait ces simples mots :

« Il paraît que Rose Cadette a fait des révélations à la police pour sauver Émile. On prétend également qu’elle est morte ce matin dans des coliques bien désagréables. À ce soir tout le monde. »

— Sacrais, ne t’a pas donné autre chose pour moi, demanda le Nourrisseur, en faisant flamber le billet avec une allumette.