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LE VAMPIRE

bandits avec lesquels il « travaillait. » Sa mise était à peu près celle d’un saute-ruisseau ou d’un répétiteur. Jamais il ne portait de blouse ni de casquette. Ses amis le traitaient de « gandin ».


La mère Peignotte et le Nourrisseur laissèrent là leur querelle pour s’occuper de choses plus sérieuses.

— Le môme Émile est ratiboisé, dit le Nourrisseur.

— Tant pis pour lui ; j’ai déjà bien assez d’embêtement pour mon compte, répliqua la mère Peignotte.

— Quoi de neuf ?

— Eh bien ! Petit-Père, l’ami de Sacrais, a été arrêté pour un vol avec effraction à Nanterre. Il demeurait ici et nous ne l’avions pas inscrit sur le registre de l’hôtel. Et il a démoli quelqu’un.

— Tiens, j’ignorais ça, fit le Nourrisseur, Ah ! Petit-Père montait des affaires pour son compte, sans en rien dire aux amis… C’est bien fait !

— Oui, mais ça n’empêche pas que nous allons avoir toute une histoire. Mon mari dira n’importe quoi… On graissera la patte aux mouchards… Mais j’ai peur tout de même.

En effet, un crime avait été commis à Nanterre par un individu portant parmi les voleurs le sobriquet de Petit-Père.

Il avait été surpris, comme il s’échappait, emportant son butin.

La police avait découvert qu’il demeurait à l’hôtel Peignotte. Le bandit avait nié cependant.

Il n’était pas inscrit sur le livre des entrées.

C’était une mauvaise affaire pour les patrons de cet établissement borgne.

— Et il n’y a rien de plus ? questionna encore le Nourrisseur.

— Ma foi si, répondit la mère Peignotte, nous avons un nouveau locataire qui me paraît assez curieux. C’est un grand brun, bel homme, figure très pâle, des yeux comme des vrilles…

— Inconnu dans la pègre, fit le Nourrisseur.

— Ce qu’il y a de plus drôle, c’est que la Sauvage l’a aperçu en venant ici, et qu’elle le gobe énormément.

— La Sauvage est venue rue des Lyonnais ?…

— Mais oui, mon petit, ça t’étonne.

— Dame, ça la regarde. Si elle veut se faire pincer, je n’ai rien à dire.

— Y a pas de danger, fit la mère Peignotte, elle est bien trop rusée. Jamais elle ne se fait annoncer, elle s’amène et repart tout de suite. Et on ne sait plus où elle est : bonsoir…

— C’est égal, dit le Nourrisseur, elle devrait rester tranquille quelque temps.

— Chut ! tais-toi, répondit la mère Peignotte, v’là l’inspecteur.