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LE VAMPIRE

anciens coupe-gorge tant retracés, il faudra alors battre les quartiers excentriques…

Ces bas-fonds de la grande cité abritent et propagent la peste morale qui engendre la prostitution clandestine, le vol et l’assassinat.

Toutes les épaves humaines, victimes des circonstances ou d’un tempérament prédestiné s’en vont échouer sur ce rivage fangeux, apportant au fonds commun leur tribut de vice, de pourriture et de maladie. Hommes et femmes, tombés en décomposition avant la mort, vivent dans ces antres empoisonnés, dans ces milieux corrompus et corrupteurs ; ils se vautrent dans la boue devenue pour eux un élément et une volupté.

Les enfants de ces créatures dégradées, champignons vénéneux poussés un soir sur le fumier de la débauche, ne tardent pas à entrer en possession de leur abominable héritage : le vice. Ils se battent, s’enivrent et volent comme leurs tristes parents.

Ignorants du bien et dépourvus de sens moral, ces jeunes indigènes de l’égout social, avant même que d’être pubères ou nubiles, recherchent les jouissances grossières de l’animal en rut. Ils se roulent dans le ruisseau natal et s’accouplent, confondant et doublant leur putréfaction.

Tout cela se laisse aller au flux et au reflux qui pousse les misérables du Dépôt à Mazas et de là aux centrales, au bagne, et, quelquefois même, à l’échafaud, dont le chemin reste tout grand ouvert pour les va-nu-pieds et les déshérités du sort.

Mais arrivons au refuge de Caudirol, situé dans ce quartier où se passeront les scènes les plus dramatiques de notre narration.

L’ignoble a ses gradations, et, il y a quelques années, entre tous les garnis équivoques établis dans la rue des Lyonnais, l’hôtel Peignotte pouvait revendiquer la première place.

C’était un bâtiment élevé de quatre étages, qui, vu de la rue, n’offrait rien de remarquable. Le rez-de-chaussée était séparé en deux parties, dont l’une servait de bureau et de logement au patron, et l’autre de buvette.

Mais, en suivant le long et étroit boyau qui servait d’entrée à l’hôtel, et en dépassant l’escalier conduisant aux chambres du premier corps de logement, puis en avançant pendant quelques instants dans une obscurité presque complète, on se trouvait dans une grande cour, espèce de fosse habitée, bordée de tous côtés par des constructions qui semblaient ne se maintenir debout que par un prodige d’équilibre. Alors le spectacle devenait à la fois curieux et horrible.

Un ruisseau stagnant divisait la cour qui servait de lieu de réunion à tous les locataires.

Ici, un groupe de malheureux enfants grattait et nettoyait des peaux de lapins.