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LE VAMPIRE

On craignait le scandale.

Le corps fut pour ainsi dire escamoté et enfoui.

Personne n’accompagna à son dernier asile la dépouille du brave ouvrier, blessé dans son travail, et mort de misère.

Donc, M. Véninger, policier ambitieux et d’ailleurs sans scrupules, était puissamment intéressé à l’éclaircissement des meurtres de la rue des Gravilliers.

Il espérait que cette affaire serait le tremplin d’où il parviendrait à l’avancement. Déjà, il pensait, à part lui, aux fonctions de directeur de la sûreté qui allaient être bientôt vacantes.

Ce rôle de mouchard en chef lui souriait infiniment.

Il mettait tout son orgueil à se signaler pour arriver à ce but.

Deux jours après le drame de la rue des Granvilliers, M. Véninger était dans son cabinet, vers onze heures du matin, réfléchissant à cette affaire ténébreuse.

Il avait terminé rapidement l’examen des délits ayant amené les arrestations de la veille et de la matinée.

— Envoyez-moi tout ce monde-là au Dépôt, avait-il dit à son secrétaire pour en être plus tôt quitte.

Celui-ci restait dans le cabinet du commissaire.

— Qu’y a-t-il encore ? demanda M. Véninger avec un mouvement d’impatience.

— Peu de chose, vraiment, fit le secrétaire en hésitant, mais j’ai préféré vous en informer. Une femme qui paraît très peu recommandable s’est présentée au commissariat. Elle prétend avoir une communication à vous adresser personnellement.

— Cela peut être très important au contraire, interrompit M. Véninger.

— Il s’agirait de l’affaire Caudirol. Mais, je vous le répète, cette femme est… une fille, certainement.

— N’importe, mon ami, il ne faut négliger aucun témoignage dans notre profession. L’expérience vous l’apprendra…

— Alors, je vais la faire entrer, car elle est là.

— Certainement.

Et le commissaire de police se mit à fouiner dans ses papiers pour se donner un air absorbé.

La visiteuse annoncée était entrée.

— La voilà, fit le secrétaire.

M. Véninger leva la tête.

Il avait devant lui une femme d’une trentaine d’années, à la mise criarde et malpropre. C’était une blonde fadasse, au teint grossièrement maquillé, une fille de rues à n’en point douter.