Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
372
LE DOCTEUR-NOIR

L’aspect du cynique gamin était des plus comiques. Son grand chapeau de toile cirée posé derrière sa tête ; son habit dont les basques dépassaient sous sa cotte ; son fouet enroulé à son poignet, tout son ensemble était d’un grotesque achevé.

Un sentiment de joie, qu’il cherchait vainement à dissimuler, perçait dans sa façon de marcher.

Il sautillait et soufflait un air en sourdine.

— Ah ! ça, est-ce que tu l’as fait exprès ? fit tout à coup Sacrais.

— De quoi ? de quoi ? demanda La Marmite ironiquement.

— Ma foi, interrompit la Sauvage, je commence à croire, moi aussi, que tu as renversé la voiture pour ton amusement.

— Ou plutôt parce que la petite lui a fait de l’œil, ajouta Sacrais devenu rageur.

La Marmite fit semblant d’éclater de rire.

Il se tordit dans des convulsions de gaieté impossible à rendre.

— Voyez-vous cette vieille peau de requin ! s’exclama-t-il. Ah ! Sacrais, vieux birbe, je te vas détruire !

— Silence, sale gosse, dit la Sauvage en levant la main.

Le voyou s’échappa d’un bond.

— Vous n’allez pas me la faire à l’oseille, je suppose ? interrogea-t-il en devenant quasi-sérieux.

Sacrais s’avança vers lui.

— Écoute, commença-t-il, nous venons de perdre un atout qui était dans notre jeu. C’est en grande partie de ta faute. Au lieu de t’excuser, ou au moins de rester tranquille…

— C’est pas dans mon caractère, déclara gravement La Marmite. Ne violentez pas mon tempérament… ou j’appelle Anastasie.

La Sauvage n’y tint pas.

— Oh ! vache I tu nous as trahi. Avoue-le, pestaille !

Elle laissa déborder sa colère.

— Charogne ! tante ! gronda-t-elle.

La Marmite cessa de badiner et se redressa.

— En voilà assez, fit-il, vous me faites suer. J’en ai trop de votre système. Je les connais, vos entreprises, maintenant. Des coups lâches, bons pour des femelles qui n’ont pas de…

— Tu dis ? cria la Sauvage en s’élançant.

— Je dis… je dis… répéta le gamin en se garant, que j’en ai plein le dos de vos histoires. Moi, j’aime les aventures drôles et aux petits oignons. Au lieu de ça, nous ne faisons que des saletés… Au fait, oui, puisque c’est comme ça, j’aime mieux vous le ficher au nez : j’ai foutu la guimbarde en bas,