Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/368

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
368
LE DOCTEUR-NOIR

La Sauvage parla bas à La Marmite.

— Tu vas nous promener un peu dans le pays. Nous aurons l’air de ne point surveiller la petite et nous verrons si elle veut se sauver. D’ailleurs, cela nous permettra d’attendre que le soir arrive pour rentrer dans Paris.

— D’autant plus, approuva Sacrais, qu’il n’est pas nécessaire de laisser cette voiture stationner plus longtemps devant la maison. Cela peut attirer l’attention.

— Très bien, fit à son tour La Marmite. Et puis, vous savez, je grille d’envie de montrer mon savoir-faire comme trimballeur. Ce n’est pas pour le roi de Prusse, je suppose, que nous avons loué cette bagnolle pour la journée. Faisons monter la jeune dame.

La Mécharde poussa Lydia vers la porte.

— Madame, votre carrosse vous attend, dit la hideuse mégère.

La jeune fille prit place dans la voiture avec la Sauvage.

Sacrais monta sur le siège avec La Marmite et l’on se mit en route.

À l’intérieur, la conversation s’engagea entre les deux femmes.

— Vous voyez, fit la Sauvage, on ne vous fait plus violence.

— Où me conduisez-vous ?

— On va vous ramener à Nantes…

— Chez madame Le Mordeley ?

— Non, vous vous êtes enfuie, donc vous n’y étiez pas bien. On vous conduit à Nantes parce que l’on a pensé que vous connaissiez du monde par là et que vous ne devez pas rester à Paris. Mais soyez sûre que vous ne serez pas rendue à votre maîtresse.

— Oh ! peu m’importe aujourd’hui. Elle était bonne pour moi, en comparaison de…

Lydia s’arrêta indécise.

La Sauvage se prit à sourire.

La voiture avançait toujours au petit trot.

Sacrais et La Marmite causaient avec animation.

Tout à coup, la Sauvage se laissa aller dans l’encoignure de la voiture, feignant de dormir.

Elle ne bougea plus.

Lydia la regarda un instant immobile et une lueur d’espérance brilla dans ses yeux.

Elle ne croyait point ce qu’on lui avait dit.

Pour elle, ce qui l’attendait, c’était quelque torture plus monstrueuse que tout ce qu’on lui avait encore fait endurer.

Et dans sa naïveté elle se demandait, pour la millième fois depuis sa captivité, ce qui pouvait animer tant de personnes contre elle…

Elle se rapprocha de la portière.