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LE DOCTEUR-NOIR

faire de cette poulotte ? Ça doit être du pareil au même. Ils la conduisent au chemin de fer… destination inconnue. Peut-être bien qu’on va la démolir aussi. Ça m’embête, elle a l’air honnête, cette môme. Pour sûr, c’est pas une vadrouille.

Lydia semblait subir un combat intérieur.

Enfin elle se décida à parler.

La figure ouverte et franche, quoique crapuleuse du vaurien, l’attirait.

Elle devina sous cette enveloppe cynique un bon cœur.

— Monsieur, dit-elle.

La Marmite prit son grand chapeau en toile cirée et se mit à le tourner entre ses doigts.

— Hum ! Qu’est-ce qu’il y a ?

Lydia fit un pas vers lui.

— Que va-t-on me faire encore, dites ?

— Dame, fit le cocher improvisé, moi j’en sais rien. On va vous conduire à la gare.

— Oh ! écoutez-moi… Vous n’êtes pas méchant…

— Si, si, repartit vivement La Marmite qui se sentait prêt à faiblir, je suis atroce.

— Non…

— Je vous répète que je suis mauvais comme une teigne.

La jeune fille insista.

— Si vous saviez tout ce que j’ai souffert, depuis que l’on m’a enfermée. Cette femme, qui est-là bas dans le jardin…

— Ah ! oui, la Mécharde, une fameuse rosse !… Mais, silence, voilà les patrons qui reviennent.

— Pitié… je vous en prie.

La Marmite était ému malgré lui.

— Si ça ne dépendait que de moi, fit-il, vous auriez depuis belle lurette la clé des champs. Mais la consigne est là. Je suis comme qui dirait une sentinelle.

Et se rapprochant de Lydia :

— Et tout ce que je peux faire, c’est de fermer l’œil à l’occasion…

La Sauvage et Sacrais rentrèrent.

— Passez, mon enfant, fit la maîtresse de Caudirol.

Lydia traversa le jardin.

Une grille la séparait seulement de la rue.

En ce moment, un jeune homme à l’air distingué, à la physionomie triste et pensive, vint à passer.

Il jeta un coup d’œil distrait sur Lydia qui l’aperçut à son tour.