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LE DOCTEUR-NOIR

l’aveuglette ; lui-même connaissait les difficultés de l’entreprise, car il avait organisé contre le château une expédition qui n’avait pas réussi.

Loin de se fatiguer en recherches vaines, Caudirol marchait au but avec connaissance de cause… Il lui fallait ce fameux plan des souterrains.

Pour l’avoir, il recourut à la ruse.

Il profita d’une de ses fréquentes entrevues avec madame Le Mordeley pour l’amener à parler de son héritage. La conversation tomba fatalement sur le crime de la rue Rambuteau.

Madame Le Mordeley frissonna en racontant les détails de ce drame.

— Vous allez me traiter d’enfant, dit-elle à son interlocuteur ; mais, je vous l’avoue, j’ai peur que cette succession ne me porte malheur.

Gaudirol eut un sourire sinistre qui échappa à l’héritière.

Elle continua :

— Ce qui m’empêche d’être tout à fait inquiète, c’est que Dieu me protégera. Je prie ; je ne reçois que des gens pieux, comme vous avez pu le remarquer ; et, enfin, je souscris à toutes les œuvres de dévotion.

Le défroqué s’inclina comme devant une sainte.

— Vous n’avez rien à craindre, dit-il impudemment ; si un danger vous menaçait, les anges le détourneraient de vous.

Et il reprit :

— J’aurai une grâce à vous demander.

— Laquelle ? demanda vivement madame Le Mordeley tout émue.

Caudirol réfléchit quelques instants.

— Je vous ai montré la plupart des papiers établissant mon titre et ma parenté ; mais il se pourrait que yous ayez en votre possession, par suite de l’héritage que vous avez fait, d’autres pièces appartenant à ma famille, qui ne vous sont d’aucune utilité.

Madame de Mordeley saisit avec empressement cette occasion d’être agréable à son hôte.

— En effet, dit-elle, j’ai un coffret rempli de papiers qui me vient de ma succession. Je ne l’ai pas encore examiné en détail ; si cela ne vous ennuie pas outre mesure, nous allons en faire l’inventaire ensemble.

Caudirol se confondit en remerciements et madame Le Mordeley, après s’être absentée quelques instants revint avec le coffret.

Elle l’ouvrit et le poussa devant le bandit.

Celui-ci prit les papiers et les ouvrit successivement en disant à haute voix ce qu’ils contenaient.

Tout à coup, ses doigts tremblèrent. Il venait de reconnaître les plans des souterrains du château.

Il simula une maladresse et laissa échapper le coffret dont le contenu s’éparpilla sur le plancher.