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LES MYSTÈRES DU CRIME

— Noire vie est un combat, reprit la Sauvage. Il faut s’attendre à tout… même à la fortune. J’ai des nouvelles du chef. Tout va pour le mieux. Quant à ceux de nos amis qui sont dans le Tombeau-des-Vaches, tant pis. On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs.

Sacrais émit une observation :

— Que dites-vous de notre propre sécurité ?

— C’est vrai répondit Tord-la-Gueule. Nous pourrions être dénoncés. Il faut s’attendre à tout. Moi, d’abord, je n’ai pas confiance dans le Nourrisseur.

— Ni moi non plus, fit Zim-Zim ; il nous mangera, c’est sûr. La Sauvage réfléchit un instant.

— Le chef n’a rien à craindre, dit-elle, c’est le principal. Quant à nous, il faut changer de lieu de réunion et déménager ce soir même.

— J’avais prévu cette résolution, approuva Sacrais, et j’ai déjà une autre boîte en vue, à la campagne, un peu avant Noisy. Une petite maison déserte près des fortifications. Je vais louer ça sans tarder. La rousse ne sera pas lancée sur notre piste avant quelques jours. Il faut laisser au Nourrisseur le temps de perdre courage. Il ne dira rien du premier coup. Ce n’est pas son jeu. Nous manger c’est son dernier atout.

La Sauvage s’approcha de Sacrais.

— Il faut envoyer Lydia à Nantes, lui dit-elle ; le chef en a besoin.

Le bandit se prit à sourire. Il avait remarqué que Caudirol ne regardait pas la jeune fille avec indifférence. Dans son esprit, elle était appelée à prendre à bref délai la place de la Sauvage.

Celle-ci devina ce qui se passait dans l’esprit de Sacrais et ses lèvres se serrèrent convulsivement. Elle se leva et quitta la pièce.

Elle gagna la chambre où était emprisonnée Lydia.

La jeune fille était assise à une petite table. Elle détournait sa vue d’un livre ouvert devant elle. Sa main s’appuyait sur une petite canne.

À côté d’elle se tenait la Mécharde.

Quand Lydia vit entrer la Sauvage, elle se leva et joignit les mains.

— Oh ! madame, sanglota-t-elle… pitié ! pitié !

— Non, répondit sèchement la Sauvage.

La Mécharde fut enchantée et poussa un éclat de rire joyeux.

— Non, répéta-t-elle sur tous les tons… Non, non, non !

Et elle reprit avec volubilité :

— Elle marche avec une cane, la petite bellotte. C’est quelle a essayé de se sauver. Alors, maintenant, on lui à mis une jolie chaînette aux pieds. Elle fait des pas grands comme ça et c’est drôle ! Ah ! ah ! ah ! l’oiseau a un fil à la patte.

— Silence ! vieille chouette, commanda la Sauvage.