Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
355
LES MYSTÈRES DU CRIME

Elle arrêta une voiture et donna l’adresse au cocher… Le fiacre fut rapidement à destination.

Madame Paulia ne fut pas peu surprise en voyant arriver avec son amie la vieille Italienne.

— Te voilà donc revenue, coureuse ! fit-elle, d’un ton de reproche.

— Oui, et je t’amène une brave créature qui m’a sauvée cette nuit…

— Tu t’es encore exposée, petite folle ?

— Allons, c’est bien. Veille sur notre pensionnaire. Elle a besoin de tout. À propos, il ne faut prêter aucune attention à ce qu’elle pourra dire. Elle est idiote.

— Bah I décidément c’est la maison des fous ici !

— Et ta Démone ?

— Obi ma chère, c’est une créature d’or… On peut le dire. Elle va bien, cela va de soi.

— Tant mieux, je me sauve. Embrasse-moi.

— Déjà ! mais c’est ridicule.

La Sauvage n’en entendit pas davantage.

Sa voiture l’attendait à la porte. Elle y monta et se fit conduire à la Poste.

Là, elle s’enquit d’une lettre aux initiales L. S., venant de Nantes.

Un employé, après quelques recherches, lui remit un pli soigneusement cacheté.

C’était une lettre de son amant.

Voici ce que Caudirol lui écrivait :

« Ma Sauvage,

« Parlons de nos affaires tout d’abord, afin d’en être quittes plus tôt. J’ai continué mes explorations à Nantes. Étant donné que madame Le Mordeley, la nouvelle propriétaire du château de Lormières, est une bigote, je me suis présenté chez elle en me donnant pour un homme pieux et charitable, qu’une question d’humanité amenait. Le hasard m’avait favorisé puisque Lydia, la petite que Sacrais a amenée chez lui, est une orpheline, recueillie par madame Le Mordeley. Cette gamine, comme tu le sais, est aventureuse et romanesque ; elle s’est enfuie de chez sa protectrice qui lui menait la vie dure, paraît-il. Lorsque j’ai appris à madame Le Mordeley que la belle fugitive était à Paris, où je la tenais à sa disposition, il ne s’en est guère, fallu qu’elle ne tombât à genoux devant moi. Nous avons causé religion ensemble et notre affaire est en bonne voie. J’ai déjà un pied dans la place. Voici ce qu’il faut faire : Dis à Sacrais de m’amener la petite Lydia. Naturellement, il est indispensable d’éviter le scandale. Il faut donc prendre la jeune fille par la persuasion et lui faire croire que la liberté est au bout de son voyage.