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LE DOCTEUR-NOIR

Enfin on passa à la visite des baraquements de la cour. Un agent tenait à la main le registre de l’hôtel et lisait les noms. On contrôlait rapidement, et s’il se trouvait une personne de plus on l’arrêtait malgré ses dénégations.

— Vous vous expliquerez au poste, disaient invariablement les policiers.

On avait fait rentrer tout le monde dans les taudis.

La Sauvage était revenue à son premier refuge. La porte restée entr’ouverte lui avait permis d’entrer. Un silence plein d’épouvante régnait à cette heure dans l’hôtel.

Elle entendit la police approcher. Sa position devenait désespérée.

La vieille Italienne restait toujours immobile… La Sauvage bouillait d’impatience.

Elle alla vers Marita, qu’elle secoua vivement pour la tirer de sa torpeur.

— Écoutez, lui dit-elle. Oh vient… C’est la police… Vous savez, les agents.

La folle secoua la tête d’un air égaré.

La Sauvage ne savait que lui dire. Elle reprit, en lui prenant les mains :

— Ils vont vous prendre… si vous ne faites pas ce que je vous dis… Vous m’entendez ?

La vieille femme eut une lueur d’intelligence. Elle comprit ce qu’on lui disait et elle se dressa d’un air sauvage.

— Je ne veux pas… je ne veux pas, dit-elle d’une voix sifflante. Je veux venger ma Pitchounette… ma petite Pitchounette… C’est le prêtre qui l’a tuée.

En cet instant on frappa à la porte.

— Attendez, nous nous habillons, cria la Sauvage.

— Allons vite, fit la voix d’un policier. Est-ce que vous avez peur qu’on voie votre viande ?…

La Sauvage eut un éclair de haine dans les yeux.

Mais le danger était grand. Elle commanda à son impétueuse nature et, s’adressant à la vieille Italienne :

— Les voilà !… Dites que je suis votre petite fille. Ils ne vous arrêteront pas. Voulez-vous ?

La Sauvage alla ouvrir la porte et les agents pénétrèrent dans le réduit.

— Hum ! quel trou ! fit celui qui tenait le registre. Ah ! nous disons qu’il y a ici une vieille bonne femme. C’est-elle qui est là-bas. Et toi, gamine, qu’est-ce que tu fiches ici ?

Cette interrogation était à l’adresse de la Sauvage.

Un subit changement s’était opéré en elle. Toute sa dureté de physionomie avait disparu, et elle avait l’air candide d’une enfant. Elle avait à dessein laissé tomber sa robe et elle se trouvait en jupon court. Ses cheveux dénoués lui retombaient sur les épaules.