— Asseyez-vous et parlez, dit Lucien Bartier à la femme de chambre. Je suis désespéré, mais je veux savoir ce qui vous amène.
Et comme d’anciens souvenirs traversaient son esprit, il ajouta :
— Pauvre… pauvre femme !…
— Ne la plaignez pas, monsieur, fit vivement Madeleine… Sa mort est une délivrance. Elle a tant souffert… L’effroi que lui a occasionné la fin de son fils aîné, mort ce matin… sur l’échafaud… lui a donné le dernier coup…
— Elle l’a sue ? s’écria Flack,
— Oui, certes !
— Comment l’a-t-elle apprise ? interrogea le Docteur-Noir.
— M. Bartier la lui a cruellement racontée dans tous ses détails.
— Le misérable… Au fait, Jean-Baptiste, tu me disais que, toi-même, tu avais assisté à ce triste spectacle… J’ai besoin de savoir cela.
Flack raconta en peu de mots les évènements de la nuit…
Le Docteur-Noir souffrait visiblement.
Quand son domestique eut fini son récit, il se leva et dit gravement :
— Le fils d’Isidore Bartier… le fils de… mon frère a dit ces paroles : « Puisse mon sang rejaillir sur lui et lui brûler les yeux ? »
— Il a dit cela, réitéra Flack qui avait raconté son entrevue avec Général.
— Eh bien, fit le Docteur-Noir, le fils a condamné le père. Les yeux qui ont regardé la hideuse boucherie de la place de la Roquette seront à jamais fermés à la lumière… Je le jure !
Et il étendit le bras.
Madeleine frissonna, épouvantée.
— C’est justice ! approuva Flack.
— Parlez, maintenant, Madeleine, fit le Docteur-Noir.
— Madame… ma chère maîtresse, m’a dit avant de mourir : « Quand je ne serai plus, tu iras trouver Lucien — elle ne vous appelait pas autrement — et tu lui diras que je confie à ses soins, notre fils… Georges. Encore un mot : je l’aime… Dis-le-lui. » Et ce fut tout.
— Elle a dit cela ?
Madeleine inclina la tête et ajouta :
— J’ensevelis ma pauvre maîtresse, et me voilà.
Lucien Bartier se leva et marcha à grands pas dans la pièce.
Puis s’arrêtant, les bras croisés, il dit affectueusement à Flack :
— Mon ami, confidence pour confidence. Je veux, moi aussi, te dire ce que je cache depuis si longtemps au fond de mon cœur.
Et le Docteur-Noir raconta son premier mariage, le viol de sa femme par son frère, Isidore, et enfin sa deuxième union avec Caroline.
— Pourquoi vous êtes-vous remarié ? demanda Flack.