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Moi, qui vous parle, j’avais cette mauvaise habitude de ne rien vouloir pardonner et lorsque quelqu’un me devait, j’avais toujours le soin de lui dire que s’il ne me rendait pas mon dû, le diable le chaufferait quand il arriverait de l’autre côté.

J’avoue que je disais ces paroles sans penser aux conséquences qu’elles pourraient avoir. Aujourd’hui je suis bien revenu de cette habitude, je vais vous dire pourquoi.

Il y a une quarantaine d’années, j’étais tout jeune homme, je prêtai deux piastres à un de mes amis, Alfred Laberge.

Laberge était un pauvre garçon, toujours malade et gagnant à peine de quoi vivre.

Il y avait un mois à peu près que je lui avais prêté les deux piastres, lorsque mon ami tomba malade et mourut.

Quand on m’apprit la mort de Laberge, je dis à celui qui m’apportait cette nouvelle : le diable va le chauffer avec mes deux piastres.

Je ne pensai plus à mon argent. Le fait est que du fond du cœur je lui donnais bien à ce pauvre garçon, mais il paraît que ce n’était pas suffisant, comme vous allez le voir.

Ce que je viens de vous raconter se passait en hiver. Au printemps suivant, un soir, vers dix ou