L’établissement de l’île de Montréal commença peu après. Concédée successivement à divers gentilshommes par la Compagnie de la Nouvelle-France, elle ne réunit vraiment un groupe de français et de sauvages chrétiens qu’en 1642, alors que Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, qui n’avait quitté La Rochelle que l’année précédente, en fit « une école de morale, d’industrie et de civilisation. »
Ici, faisons une courte halte, que Montréal mérite bien. S’élevant au pied d’une colline, entourée de campagnes fertiles, assise au bord du Saint-Laurent, cette ville qui compte aujourd’hui près d’un million d’habitants, ne rappelle que fort peu la modeste bourgade du temps de Maisonneuve. Mais elle est encore presque toute française, de langue et de cœur, et ces survivances sont au nombre des faits les plus émouvants de notre histoire.
Il est peu de voyageurs qui ne soient surpris de la ténacité avec laquelle nous nous sommes attachés à la tradition, aux coutumes, aux gestes français. Franchement divisée en deux sections, l’une anglaise, l’autre française, cette dernière présente, à chaque pas, des tableaux qui ne seraient en rien déplacés dans une grande ville de province, à Bordeaux, à Grenoble, à Lyon. Dans la famille et sur la rue, à l’école et à l’université, dans la chaire et à la comédie, l’on n’y parle que le français, — mais ce preste esprit et cette souplesse intellectuelle qui nous sont communs, cher Lecteur de France, font que, presque sans exception, les Canadiens-français manient la langue anglaise avec une égale désinvolture.