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leurs originels abîmes et c’est cette heure divine de floraison luxuriante, de paix puissante, quand la mer et l’esprit ondulent de l’une à l’autre de leurs rives et reflètent tout le ciel dans la pureté de leurs profondeurs. Les pêcheurs, que le flux a mis en fuite, croient volontiers et disent que le reflux est la conséquence du flux. Soit, mais ce sont là des conséquences qui s’enchaînent plus lointainement : le flux et le reflux ont tous deux une cause commune et c’est la force d’expansion des flots immenses, qu’y intervienne ou non l’influence contestée d’un corps céleste, c’est cette loi du mouvement qui régit tout ce qui est, c’est cette résorption de l’Être en soi après qu’il s’est épandu et épanché dans l’Infini : loi universelle à quoi tout se ramène, de même qu’en tout elle a des symboles, comme le soleil des reflets. — Mais il se peut que la mer, à l’heure de son retour dans sa propre immensité, y rentre autrement colorée qu’elle n’était à l’heure du départ : elle aura roulé ses flots sur des rivages ocreux ou schisteux dont les matières colorantes, en dissolution sous les vagues, leur laissèrent cette vase sédimentaire, rougeâtre ou noirâtre… C’est à peu près dans cette proportion que de son action sur la société la Pensée humaine reçoit une coloration comme conséquente et qu’elle mire dans son action propre, dans son action philosophique et artistique : mais beaucoup de temps ne s’écoulera pas avant que