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Révélation proclamée la source de toutes vérités ? Comment se sont-ils séparés d’elle ou pourquoi les a-t-elle reniés ? Et pourquoi et comment, dans le douteux, dans l’angoissant silence des dépositaires sacrés de la vérité, est-ce de ces poètes, de ces philosophes et de ces savants seuls que nous vient la parole qui strie de lumière les ténèbres du monde ? D’où vient que le génie de l’art et le génie de la science aient déserté l’Évangile ? La réponse qui s’impose est redoutable et je ne la fais qu’en tremblant. Je me répète : l’Art, par son intime union avec les Révélations, manifeste leur vie et témoigne de leur mort en les quittant. Alors il se risque seul dans les régions ténébreuses et bien souvent y luit plus clair, annonciateur d’une Révélation nouvelle, qu’il ne faisait, inféodé aux erreurs temporaires qui corrompent les vérités étemelles des Révélations vieillies. Ce n’est pas qu’il soit ingrat envers la Nourrice vénérable dont le lait et les soins l’ont fortifié. Mais il est jeune et elle est vieille ; elle chevrote et radote : il parle.

— Je n’ai certes point l’audace de préjuger l’avenir et de dire : ceci sera. Dans la confusion contemporaine des regrets et des aspirations qui troublent les esprits et les cœurs, la seule affirmation possible reste vague : nous sommes à une époque de transition. « Nous allons d’un mystère à un autre mystère, » comme dit Carlyle, et la plus sûre raison d’espérer qui luise à l’horizon des